Le temps long de la justice est cruel... Presque 6 ans après, Jeudi 03 Octobre 2019, la cour d'appel de Bordeaux a rendu un arrêt ordonnant un supplément d’information en vue de la mise en examen de l'employeur pour homicide et blessures involontaire.
Cette décision fait suite à l'appel de plusieurs parties civiles constituées par la famille de Benjamin, un des collègues blessé et du syndicat SUD.
Pourquoi ce long silence ?
L'enquête étant jusque là toujours en cours, nous n'avions pas communiqué à ce sujet. Mais cette procédure a toujours fait l'objet de toute notre attention. Nous n'avons cessé de suivre le cours du dossier, d'en étudier chaque pièce et nous nous sommes efforcé, à travers de nombreuses demandes d'actes aux juges de faire ressortir la vérité.
Depuis le début de l'enquête, 3 juges se sont succédé et après tout ce temps, le 27 juin 2018, la juge en charge de l'instruction a finalement statué par un réquisitoire de non lieu, constitué de 30 pages.
Fin de l'instruction
La quasi-totalité des 30 pages de ce réquisitoire est un rappel des nombreux manquements à la sécurité qui ont été constatés et dont les faits n'ont fait l'objet d'aucun doute. Ces faits avaient été constatés par le CHSCT après l'accident. Ils font l'objet de 2 rapports très précis de la Direccte.
Le juge les reconnaît dans tout le développement du réquisitoire et concluait par une phrase qui estimait ces manquement "pas avérés" et "pas manifestement en lien direct avec l'accident".
Appel
Nous avons fait appel de cette conclusion qui nous semblait un pur non sens et aller à l'encontre de toute l'instruction elle même. La direction a fait le choix d'un changement d'outillage conduisant à opérer en local plutôt qu’à distance, ce qui a conduit au drame. A ce moment, tous les fondamentaux et les obligations légales ont été bafoués.
Les avocats des 3 parties civiles ayant fait appel ont donc été auditionnés par la cour d'appel de Bordeaux le 27 Juin 2019 dans une audience à huit clos. Nous avons fait valoir les faits que nous estimons avoir été décisifs dans le déroulement du drame et il semble que les 3 avocats, concordants, aient été entendus par les magistrats.
Un espoir
L'arrêt du 03 octobre 2019 de la cours d'appel de Bordeaux ne met pas un terme à cette douloureuse procédure mais cette décision de complément d'enquête est un premier espoir de justice pour la famille de Benjamin, les parties civiles et de nombreux collègues qui n'ont rien oublié. La cour d'appel ordonne un renvoi devant sa juridiction dans un délai de 6 mois.
Le sens de cette procédure
La première des raisons qui fonde notre détermination d'aller au bout de cette procédure est que la justice soit rendue pour la famille de Benjamin et pour les collègues blessés. Quelque soit le temps que cela prendra, ils auront toujours notre soutien indéfectible.
Pour la famille de Benjamin, une conclusion sans responsable et que cela soit « la faute à pas de chance » ne peut être qu’insupportable. Même si cela ne supprimera pas leur douleur, ils ont le droit d’exiger que la justice établisse les responsabilités de l’accident qui ont conduit au décès de Benjamin.
La deuxième raison est de faire reconnaître la responsabilité de la direction pour l'avenir. C'est un enjeu d'autant plus considérable que les dirigeants d'Ariane Group sont (dans le meilleur des cas) totalement inconscients des dangers de notre activité. Ces dirigeants n'ont de cesse d'aggraver les conditions de travail et de réduire les moyens pour la sécurité. Quant à la direction du site, elle justifie tous les reculs et applique avec zèle.
Chacun(e) d'entre nous est concerné(e)
Et tant que syndicat représentant du personnel de la poudrerie de St Médard, nous ne pouvons accepter que la direction soit exemptée de porter sa responsabilité. Jamais la direction Herakles puis ArianeGroup ni même le groupe Safran n’ont émis la moindre excuse, admis la moindre faute, reconnus la moindre erreur. Les réponses apportées aux innombrables questions du CHSCT sont révélatrices d’une mauvaise fois évidente.
Cela nous inquiète car la direction est dans le déni et elle ne tirera jamais les leçons de ce terrible accident tant qu’elle n’acceptera pas sa responsabilité. La triste actualité nous rappelle que notre activité est dangereuse et que notre établissement est classé SEVESO II seuil haut, comme l’était AZF à Toulouse ou Lubrizol à Rouen.