PROCES DE BERGERAC (Juin 2008)
Des salariés de Bergerac, exposés à l’amiante, ont obtenu pour la 1ère fois en justice, une indemnisation pour la perte de revenus
Ce sont 17 anciens salariés de la papeterie Ahlstom Lapelpack à Lalinde (Dordogne). Les prud’hommes de Bergerac ont attribué de 9000 à 85000 € d’indemnités pour la perte de 35 % de leur revenu jusqu’à l’âge légal de la retraite et 10000 € chacun au titre du préjudice « d’anxiété ». Les prud’hommes de Bergerac ont estimé que « ce préjudice devait s’analyser en une perte de chance en ce que l’employeur, par son attitude, a privé les salariés d’une évolution de carrière normale et d’une retraite légitime compte tenu de l’augmentation de l’espérance de vie ».
En résumé, le conseil des prud’hommes a considéré qu’il ne fallait pas infliger une double peine en ajoutant aux huit ans d’espérance de vie en moins une perte de revenus de 35% pour partir en préretraite. Ce jugement est une première, une déci-sion d’importance sur le fond, et qui peut concerner des dizaines de milliers de per-sonnes en France, tout en incitant ceux qui n’avaient pas fait valoir leur droit à la prére-traite pour des raisons financières.
Bien entendu il s’agit d’une décision en première instance et les patrons ont fait appel. Ce n’est qu’à la fin de la procédure juri-dique que l’on pourra juger du résultat ou non. Mais ce jugement est un encouragement dans la recherche de la justice pour les travailleurs de l’amiante. Extrait de notre bulletin "LE LIEN SUD" n° 37 (septembre 2008)
Le procés a gagné en appel. Voir le résultat de la cassation du 11 mai 2010.
LE PROCES DE PARIS (SEPTEMBRE 2008)
En appel, la cour de Paris va dans le même sens qu'à Bergerac. Des dizaines de milliers de préretraités pourraient être concernés.
PARIS (AFP) — La cour d'appel de Paris a offert jeudi une victoire aux travailleurs de l'amiante, en jugeant que 36 d'entre eux, partis en préretraite dans le cadre du dispositif proposé aux salariés fortement exposés à l'amiante, avaient subi un préjudice économique et devaient être indemnisés. Statuant au civil, la cour a condamné leur employeur, ZF Masson, une entreprise de l'Yonne spécialisée dans la production de réducteurs pour la Marine et de disques de freins, à leur verser un total de 800.000 euros.
L'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva) se félicitait jeudi de cette grande "victoire". Selon leur avocat, Me Teissonnière, c'est la première fois en effet qu'une cour d'appel statue sur ce dossier. En juin, le conseil des prud'hommes de Bergerac avait condamné une autre entreprise à indemniser 17 de ses anciens employés. La société Ahlstrom a depuis fait appel, mais la décision n'a pas été encore rendue. Depuis 1999, rappelle Me Teissonnière, les salariés exposés à l'amiante ou qui sont malades bénéficient d'une allocation de cessation anticipée d'activité (Acaata). S'ils optent pour cette solution, ils cessent de travailler et reçoivent 65% de leur salaire.
La cour a reconnu que des salariés qui, parce qu'ils avaient été exposés à l'amiante, "perdaient 6 à 7 ans d'espérance de vie et 35% de leurs revenus", pouvaient réclamer des dommages et intérêts à leur employeur.
"Cet arrêt était attendu dans la France entière, il va avoir des conséquences économiques énormes, car plusieurs dizaines de milliers de salariés sont dans une situation semblable", a ajouté l'avocat.
La cour a relevé que les employeurs successifs des salariés, dont ZF Masson, avaient "méconnu sciemment" certaines règles de sécurité. "Cette négligence fautive, considère-t-elle, a eu pour conséquence d'exposer l'ensemble des salariés au risque d'amiante, avec pour conséquence une réduction de leur espérance de vie, et leur a ainsi fait perdre la chance de poursuivre leur carrière à son terme".
"Dans ces conditions, observe-t-elle, ils se sont trouvés contraints d'opérer un choix entre la poursuite de leur activité professionnelle, mais en prenant le risque de demeurer exposés à une contamination (...) et une cessation anticipée d'activité impliquant une baisse de revenu de 35%".
"Leur choix dans ces circonstances est un choix par défaut", concluent les magistrats, pour qui l'employeur a occasionné à ses salariés "un préjudice économique direct et certain". Elle a évalué ce préjudice entre 1.600 et 52.000 euros par salarié, soit un total de 800.000 euros.
Lors des débats, ZF Masson avait argué que le versement de tels dommages et intérêts reviendrait à créer "une situation de cumul d'indemnités", "l'indemnité de cessation d'activité ayant précisément pour objet de compenser le préjudice résultant pour le salarié d'un départ anticipé à la retraite". Voir le résultat de la cassation du 11 mai 2010.